Ses yeux glacés sans aucune lueur scintillante observaient la foule se presser. Ici, il fallait dire que l'on pouvait ressentir le stress, l'énervement et l'impatience. Assise sur un banc avec un groupe qu'elle ne connaissait pas, elle ne se sentait pas à sa place. Qu'avait-elle fait pour être là déjà ? Elle n'avait rien demander, elle passait juste par là, pour s'acheter quelques brochettes de fruits, point barre. Mais elle était arrivée au mauvais endroit, au mauvais moment.

Une bagarre avait éclatée devant chez le marchand de fruits et légumes. Une bagarre entre jeunes plutôt idiote, mais qui lui avait valu la place de victime-témoin-suspecte. Suspecte oui, car qui pouvait savoir que la petite demoiselle frêle qu'elle était aurait frapper également ? Cependant, ce n'était pas le cas. Dire qu'Aguri était violente serait comme dire que les bisounours étaient sadiques. Mais malheureusement, l'un des jeunes du groupe l'avait dénoncée comme étant l'une des siennes. Tiens... Son regard était familier... Ah, c'était lui qu'elle avait "hypnotiser" pour se libérer de sa menace la dernière fois ? Fallait croire que oui. Bon sang... On ne la lâcherait pas. Aguri semblait sur les nerfs au fond d'elle, alors qu'elle ne laissait transparaître aucune émotion physiquement. Et de plus, elle avait légèrement mal au dos, du fait qu'elle s'était ramassé un magnifique coup de coude dans le dos. Les sourcils rosés de ce visage pâle se froncèrent, alors que son corps tentait un mouvement délicat. Que cela n'interfère en rien dans son entraînement, ou elle sera obligée d'être soignée et rester sur le banc, ce n'était pas son plaisir suprême. Et dire qu'elle pensait pouvoir manger ses fruits, la voilà à l'agence de police. Elle tenait d'ailleurs toujours le sac en plastique entre ses mains, son sac du club de basket à son épaule. Elle n'avait pas eue le temps de tout déposer sur le sol, quoi qu'en y pensant, c'était sale de déposer des aliments sur le sol... Et puis même, elle portait les menottes. Fallait croire que cela avait été particulièrement violent.

Un agent vint la cherchée, l'aidant à se relever. Vu sa carrure et vu que l'agent était quelques centimètre plus grand qu'elle, il fut surpris de sa taille, l'observant avec de grands yeux.

« Quel âge as-tu ? »

« Seize ans, monsieur. »

« Il me faut ta carte d'identité, pour être certain que tu ne mens pas. »

« Elle se trouve dans mon sac que je porte à l'épaule. »

Il ouvrait le sac et fouillait dedans, sortant un portefeuille avec un dessin d'un citron Kawaii. Il emmenait ensuite Aguri dans une pièce isolée, l'installant sur une des chaises de la pièce. Il lui retirait les menottes et sortit de la pièce, laissant la pauvre Aguri là, jusqu'à ce que, quelques minutes plus tard, la porte s'ouvre à nouveau.

Son regard croisait celui de l'homme qui venait d'entrer. Ses iris de menthe glacée ne cillèrent même pas, ses pupilles ne se contractèrent pas une seule seconde. Le ton qu'il venait d'employer, froid et coupant, comme un bris de verre pointu qui s'enfonçait au fond de vous-même. Pourtant, Aguri ne bougeait pas. Elle restait contre le dossier de la chaise, mal à l'aise du fait que son dos la faisait légèrement souffrir, mais elle ne montrait rien. Le silence s'était installé entre les deux, alors, qu'attendait-il exactement ? Scindait-il Aguri pour comprendre son comportement, ou était-ce simplement pour voir si la demoiselle allait chercher le moyen de vouloir être innocenté, du genre « Ce n'est pas moi ! Je n'ai rien fait ! ». Mais tout le contraire se produit ; Aguri relevait le regard sur le -visiblement- chef de la police.

« Vous devez sans doute vous demander si je vais chercher le moyen de m'innocenter et me procurer des avantages, monsieur. Cependant... Vous n'accordez pas la confiance à tout le monde, ce serait beaucoup trop simple. Si je vous dis que je suis innocente sans m'expliquer, vous ne pourrez pas décider de mon sort sans preuves. »

Son ton distingué et détaché se faisait pesant dans la pièce. Cette voix pourtant si féminine dégageait ce détachement et bien que parfois, on posait sa confiance en elle, ici, elle n'était pas moins qu'un témoin, une victime et même, une suspecte. Il était logique pour lui de ne pas la croire si facilement. En se relevant, elle grimaçait légèrement à cause de son dos. Ses sourcils se froncèrent et ses dents ses crispèrent. Ça faisait mal... En espérant que ce ne soit qu'un bleu, où sa capitaine verrait rouge. Elle reprit un visage inexpressif, observant l'homme qui avait, dirons-nous, un certain charme. Elle s'avouait que pour ce métier, il fallait une dose de charisme importante et une autorité qui ne flanchait pas.

« Je ne fais aucunement partie de ce groupe qui s'est bagarré. Je sortais du marchand de fruits et légumes lorsque c'est arrivé. Je n'ai d'abord pas fait attention et un jeune homme m'a donner un coup de coude dans le dos. J'ai été emporté dans cette bagarre sans que je puisse me défendre. En tentant de me dégager, la police est venue nous arrêter. »

Son ton sincère ne pouvait pas tromper ; elle disait la vérité. Mais son sort dépendait de cet homme en face d'elle qui semblait ne pas avoir dit un mot depuis le début. Il réfléchissait ? Elle avait l'impression de faire face à un miroir d'elle, inexpressif. Pourtant, elle remarquait dans ce regard une lueur, celle qu'elle connaissait. Plus que bien. Elle ne dit rien, soutenant son regard, sans aucune expression faciale. Elle joignait ses jambes, genou contre genou, les mains jointes. Quel était le verdict de l'homme ?

Aguri restait de marbre, elle ne faisait que fixer son auditeur. Le regard de celui-ci semblait pénétrer son esprit complexe, au travers de son regard menthe à l'eau. Puis, il prit la parole, cherchant certainement à viser l'instinct de panique de l'être humain. La japonaise n'était pas réceptive, une tentative qui aboutissait bien rapidement à un échec cuisant. Elle détournait le regard, observant ailleurs, l'innocence même, la pureté d'une enfant peut-être pas si fragile qu'on ne le pensait au premier abord. Un endroit qui à la base, rendait les gens nerveux. D'où naissait cette idée ? Les policiers ne faisaient juste que leur métier... Le mot « Parents » revint dans son esprit pour lui faire subir le supplice de la claque mentale. Elle se tournait vers le chef de la police qui lisait les dossiers tranquillement. Ayant été trop absorbée par sa contemplation, elle remarquait à peine le verre d'eau sur la table. Sans se refuser, elle prenait le verre et avalait une gorgée du breuvage inodore et incolore.

« Puis-je me permettre de vous avertir sur un fait indéniable ; mes parents ne répondront pas à l'appel. Ils ne font que travailler et ils seront incapables de se déplacer. »

Pas pour elle en tout cas. Et même, si cela s'avérait être faux, ils viendraient simplement la cherchée et retourneraient aussitôt au travail. Cela ne servait à rien si ce n'était que pour ça. Elle pouvait très bien rentrer seule, comme elle avait l'habitude de le faire. Elle gardait le verre entre ses mains, le fixant avidement. Un « Je suis seule. » traversait ses pensées et pour chasser cette mauvaise onde, elle fermait simplement les yeux, pour finalement se dire qu'elle avait été au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle ouvrait les yeux à nouveau et relevait la tête sur l'homme assit qui lisait les rapports.

« Je les ai déjà rencontrés. Ces jeunes-hommes. Ils traînent souvent sur la route de mon lycée, ils m'ont menacé pour mon argent. », elle inspirait silencieusement, « Je ne cherche pas à me disculper, mais si cela peut vous aider. »

Elle avalait une nouvelle gorgée d'eau, laissant le silence s'installer.