« Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie. » ► RIMBAUD
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Bruit de verres qui s'entrechoquent. Rumeur montante des conversations. Rires gras.
Aucun doute possible, c'est bien l'atmosphère survoltée d'un bar en milieu d'après-midi. Traîner dans ce genre d'endroit est sûrement l'une des choses les plus inutiles du monde. On y trouve à tous les coups les rebuts de la société. Il suffit de lever le nez de son verre pour s'apercevoir de l'incroyable quantité de pauvres types qui viennent passer le plus clair de leur temps dans de tels endroits. Qu'ils soient fraîchement divorcés ou licenciés, dépressifs, alcooliques ou paresseux, ils ont tous un point en commun : Ils boivent. Plus que de raison. Leur haleine est chargée, leur regard vitreux et leur air hagard. Certains tiennent mal l’alcool, ils finiront par se battre, ou du moins ils essaieront. D'autres seront euphoriques, ils s'embrasseront. D'autres enfin finiront par s'endormir sur leur table, mais là encore, tous ont un point commun : Ils regretteront d'avoir bu un verre de trop. Installé au comptoir, sur un tabouret miteux, moi, Ichi’, je termine mon énième verre de Vodka.
Puis j’en commande un autre avant de me décider enfin à relever les yeux. Sous mon regard,  le barman dont les vêtements poussiéreux couvraient à peine sa peau sale, s'affaire à me servir ce que je viens de commander. Je sais pertinemment que je n'ai plus le moindre sou pour payer mon ardoise longue comme mon bras, mais je m’en fou. De nombreux bars sont à ma recherche pour me faire éponger mes dettes qui se sont accumulées au fil de mes nombreux apéritifs de la semaine. Je sais que je devrais bientôt rembourser celui-là aussi, mais je m’en contrefous. Je partirais comme toujours, les poches trouées et d'autres personnes seront engagées pour me faire payer ce que je dois. Le bruit sec du verre déposé devant moi, me tire de mes pensées, je remercie le serveur d'un signe de tête avant de fixer de nouveau le liquide transparent qui s'agite devant mes yeux. La mer déchaînée dans mon verre tandis que je le secoue l’air intrigué me renvoi à de bons souvenirs. Du temps où la vie était simple et que je bronzais paisiblement chaque jour sur les plages de sable blanc qu’offrait Hawaï. Mais bon, désormais, mon meilleur passe-temps du moment était de pouvoir vider un verre de Vodka d’une seule traite bien que j’avais repris le lycée il y a deux jours. De nouveau tiré de mes pensées, cette fois par la voix du barman, je le regarde, s'adresser à moi :


« Eh bien Jeunot ? À quoi pensez-vous ? Ne me dîtes pas que vous comptez me payer ! »


Sur ces mots, il éclata d'un grand rire, qui n'avait finalement rien de différent de celui des ivrognes qu'il servait à longueur de journée. Soupirant devant la plaisanterie douteuse de l’homme, je me contente de baisser de nouveau les yeux pour revenir à mon occupation première, finir ce verre. Alors que je m'apprêtais à vider de nouveau le verre, un grand fracas se fît entendre derrière moi. Un lascar en costume sombre et lunettes noires était entré dans le bar. Les conversations s'amenuisèrent alors qu'il reste planté au beau milieu du bar miteux, soulevant de la poussière en marchant. Le parquet grinçant pouvait désormais se faire entendre alors que le silence était complet dans la salle. Ne me retournant pas pour si peu, je me décidais finalement à vider la vodka. Alors que le liquide réchauffait de nouveau mes entrailles, un bruit suspect attire mon attention. Avant que je n’aie eu le temps de bouger, l’homme m’attrapa par les épaules et me força à le suivre. Dans le bar, personne ne réagissait, comme si les petits vieux semblaient tout à coup grandement attirés par le fond de leurs verres vides. Moi, j’étais entrainé dehors contre mon grès. J’avais beau me débattre, l’homme resserrait davantage sa prise. Et ce fut le cas, jusqu’à ce que nous atteignions sa voiture. Un seul instant, je sentis le contact de ses mains se faire plus léger et j’en profitais pour défaire ma veste et fuir laissant à mon agresseur un seul souvenir de moi.


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Fuir, courir, fatiguer… Une suite de mots que j’avais l’habitude de pratiquer.  Je savais que je lui avais échappé mais la peur de me retrouver de nouveau enfermé ne m’avait pas quitté. J’étais loin du bar désormais. Autour de moi, des arbres et encore des arbres. Tout ce que je pouvais réussir à deviner. C’est que j’étais bel et bien paumé au beau milieu d’une forêt. En plus, vu que je ne connais pas du tout les lieux, on peut dire que je suis franchement bien perdu. Et ce n’est pas mon sens de l’orientation inné qui m’aidera à m’en sortir. Je suis capable de me planter de chemin alors que quelqu’un me l’a indiqué 5 minutes plus tôt... Dans le genre pas doué, je suis sûr de gagner haut la main un oscar. Mais bon, ce n’est pas franchement une qualité. Heureusement qu’il me reste encore un paquet de marshmallows sinon j’aurais vraiment disjoncté. Et oui, allez savoir pourquoi, avec un paquet de sucreries, je vois la vie en rose quelle que soit la situation.

Vu que l’après-midi était bien entamé, j’avais tout  intérêt à soit retrouver la direction de la ville, soit chercher un abri pour passer la nuit.  Le pire, c’est qu’il n’y avait vraiment pas de réseau dans ce coin-là. Sinon j’aurais peut-être pût appeler les flics ou un autre truc dans le genre pour me sortir de cette galère. Les arbres se ressemblaient tous. Bien que je marche tout droit depuis un moment, j’avais l’impression de tourner en rond. En plus je commençais à avoir froid avec le vent et je n’avais plus ma veste pour me réchauffer. Mes écouteurs dans les oreilles pour ne pas entendre les bruits effrayants de la forêt, je continuais à espérer croiser un genre de héros pour m’aider à quitter cet endroit. Au comble de la fatigue, je m’adossais contre un pin  tout en me demandant si je serais encore vivant demain. Mon esprit, comme mes vertèbres invoquent ardemment le repos. Si bien que je ne tarde pas à fermer mes paupières, le cœur plein de songes funèbres.

L’E.S.P.O.I.R.


Parfois relatif à l’inutilité. Et pourtant, tout individu continuait d’espérer quand il attendait quelque chose. À quoi bon croire en ce qu’on savait chimérique ? L’envie, la nostalgie et la conviction probablement. Ma vie est rythmée par l’espoir, en quelque sorte. J’avais l’espoir de panser les blessures, celui de passer à autre chose, celui de voguer vers mon avenir. Sans ça, je n’aurais justement pas besoin d’espérer oublier. Seulement, plus le temps avançait, plus il devenait difficile de garder la tête froide. On me connaissait comme étant un jeune homme insensible, du temps où la mafia m’avait chopé, du temps où je ne considérais pas plus ma propre vie, du temps où je n’écoutais que ma parole décisive, peu marquée par les évènements, venant fraîchement d’entrer dans le domaine des victimes. À présent, on avait affaire à Seyu, fils d‘un sportif disparu, recherché mais tentant de rebâtir tant bien que mal ce qui restait de sa vie et pensant ne pas avoir de place dans cette société actuelle. La question intéressante à se poser était : Que ferait-il donc dans le futur ?

Après tout, oui, ma vie était juste invivable. Très peu de gosses se font enlever dans le monde, et comme par hasard, je fais partis de cette minorité. Depuis que je suis libre, au Japon, je n’ai pas fait grand-chose du peu de motivation qu’il me reste. Je me suis inscris à Tôo, sans grande conviction. J’ai tenté de suivre les cours, et me suis rapidement lassé. Mais pendant tout ce temps, j’ai continué de jouer au basket. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais malgré le dégoût que je devrais ressentir vis-à-vis de ce sport, n’ayant eu comme seule occupation pendant 8 ans de mon existence le basket, je me sentais tout simplement accro. Je ne pouvais pas m’en passer, et à chaque fois que je croisais un terrain avec des joueurs, je trouvais toujours une façon de m’incruster dans la partie. C’est pour ça, qu’une fois arrivé dans mon lycée, Tôo, j’avais couru m’inscrire au club de basket-ball. Mais bon, dans une équipe aussi douée que celle-ci, il est dur d’avoir une place de titulaire. Le coach, pour l’instant, n’a pas rendu son verdict à mon sujet. J’espère bien sûr qu’il sera positif. Après tout, il n’y a pas de raison. Je suis un bon tireur, bien que me comparer à Aomine soit loin d’être possible. Je suis rapide et agile. Et enfin, je peux tout voir, tout simplement. Comment est-ce possible alors que je ne possédais pas ce don à la naissance? Tout simplement car ces fichus mafieux qui avait passé leur temps à pourrir ma vie avaient pris plaisir à tester de nouvelles choses sur moi. Drogue, médicaments, mon corps avait tout subit, même leurs envies sexuelles. Et à cause d’un traitement, j’avais fini ainsi. Bref, j’étais quelqu’un qui n’avait vraiment pas de chance et à mon avis, ça ne s’arrangerait pas facilement avec le temps. Je n’espère que le contraire, mais parfois, il faut savoir regarder les choses en face.

« Il serait peut-être temps de se lever. »

Depuis quelques secondes, un élément non visible était entré en contact avec mon épaule. Quelqu’un m’avais donc trouvé, j’allais pouvoir rentrer chez moi et soigner le méchant rhume que j’avais sans doute chopé pendant mon sommeil, à l’ombre des arbres. J’ouvris les yeux lentement, un peu surpris qu’il fasse toujours nuit. Mais le plus étrange, c’est que je ne me trouvais plus dans la forêt. Je pris mon temps, m’asseyant doucement, puis m’étirant comme il se doit avant d’éternuer, la main devant la bouche. Seulement après tout ça, je me mis à observer. Autour de moi, un paysage bien différent. De là on pouvait nettement voir la ville, illuminée. L’herbe sur laquelle j’étais allongée un peu plus tôt avait l’air de ne pas avoir été tondue pendant un moment, mais elle restait confortable, bien que ce ne soit pas mon lit. Enfin, je fixai l’inconnu derrière moi. Celui qui avait prononcé ces mots un peu plus tôt. C’était donc lui qui m’avait sortis de là ! Je lui devais une fière chandelle. Je tendis ma main pour le saluer, et me présentais rapidement.


« Merci de m’avoir aidé. Je suis nouveau ici. Jamais je n’aurais retrouvé mon chemin sans toi. Je suis tellement doué.. En fait, moi c’est Seyu Ichiro, ravi de te rencontrer !»


Souriant, j’attendis sa réponse. Il avait l’air d’avoir à peu près le même âge que moi et il me semblait l’avoir déjà croiser quelque part. Mais où ? ça je ne saurais pas le dire. Je fouillais dans mes poches un instant, avant de sortir mon paquet de marshmallows et d'en manger un, affamé. Puis je tendis le bras vers le brun.


"Si t'en veux, sert toi, ya pas de soucis"

J’avais dû rester un moment immobile, la main tendue en l’air comme un pantin avant que le brun ne me la serra. Bon ok, j’avoue qu’il y a peu de gens qui serre la main d’autre type qu’il ne connaisse pas, mais je suis comme ça, et je ne changerais pas. Pas ma faute si j’ai été éduqué comme ça. Mais l’inconnu, où plutôt mon sauveur, finit par me prendre la main, le sourire aux lèvres. Content de ne pas m’être pris un joli vent, je continuais de l’observer. J’étais sûr de l’avoir déjà vu ! Pourtant cela ne faisait qu’une semaine que j’étais au Japon, et pendant ce temps, je n’étais allé au lycée que quatre jours. Bien sûr, ce laps de temps m’avait permis de rencontrer beaucoup de monde et tout ça avait suffi pour que je pense qu’ici, tout irais de travers. Je repris un marshmallows, songeur. Il n’en restait déjà plus que trois. Quel dommage ! La prochaine fois j’en prendrais un plus gros du genre paquet XXL et j’emporterais un sac de survie, ça me servirais si je venais à me retrouver à passer dans la nuit dans un autre endroit, perdu, comme aujourd’hui. A cet instant, il n’y avait qu’une expression pour me qualifier : «estomac sur pattes ». J’aurais pu manger n’importe quoi. Quoi que l’herbe sous mes pieds ne me tente pas trop. Il faut l’avouer. Je continuais à réfléchir, persuadé que j’avais raison au sujet de ce jeune homme. Où l’avais-je donc vu ? Dans les rues ? Au lycée ? Sur un terrain de basket ? Ou encore ailleurs. Dans tout ça, une chose était sûre, c’est que je l’avais croisé avant ce soir.


« Je suis Aoki Hiroyuki, enchanté Seyu. Dis-moi, on ne se serait pas croisé quelque part ? J'ai la forte impression de te connaître mais je n'arrive pas à voir où et quand on se serait rencontré. »


Bien sûr que si qu’on s’était déjà vu ! Je le sais, je le sens. Bref, en plus si lui aussi à des soupçons à ce sujet, c’est que c’est vrai. A moins que nous ayons tous les deux croisés nos doubles inexistants ce qui est, juste impossible. Soudain, j’entendis Wave aboyer bruyamment. Je n’eus pas besoin de me retourner pour voir qu’il me fonçait dessus. Le vaurien ! Cet Husky était décidément irrattrapable. Mais bon, il restait tout de même mon seul ami du passé. On en avait surmonté des épreuves, tous les deux. Et aujourd’hui, la seule chose qu’il trouvait à faire, c’était de me sauter dessus au moment où je voulais me relever pour venir me léchouiller la joue. Il était grand désormais, et pourtant continuait à se comporter comme un chiot. Je lui tapotais le haut de la tête, lui faisant comprendre que j’étais occupé avant de lui murmure un ordre. L’animal s’assit, attentif. Je lui filai un des derniers marshmallows, reconnaissant. Puis je tentais de donner une réponse satisfaisante à Aoki, confus de ne pas trouver où j’avais bien pu le voir. J’attendis tout de même qu’il ait terminé de trifouiller son portable avant de commencer mon mini compte rendus.


« Moi aussi je pense qu’on s’est déjà vu par contre, je n’ai pas la moindre idée d’où j’ai pu te croiser… Comme je te l’ai dit, je suis nouveau. Je suis au lycée que depuis quatre jours, et ça fais une semaine que je vis au Japon. A part ça je reste chez moi, ou, je joue au basket. Donc, soit tu es à Tôo, soit je t’ai croisé au basket, soit tu vas à la même supérette que moi, ou tu es une star que j’ai vu par pur hasard sur un magazine ou sur une affiche dans la rue. A moins que je me plante complètement, ce qui est in-envisageable car je suis sûr de moi. T’en pense quoi ? »


La dernière supposition n’était à mon avis, pas la bonne. Il ne restait plus qu’à savoir si le brun était élève à Tôo, ou si, ce n’était pas le cas. Un vrai jeu d’enfant. ♪ Ce ne fut que quelques secondes plus tard que je remarquais que mon chien se tenait désormais derrière Aoki, toujours silencieux. Celui-ci ne semblait pas l’avoir remarqué, mais bon, peut-être que si, après tout, je n’en savais rien. C’est ce moment dans ma réflexion que Wave choisi pour sauter sur le brun et agripper une jambe de celui-ci. Je soupirais déprimé par ses manières un peu trop fofolles. Mais bon, ça restait mon nounours. J’espérais que le poids de Wave n’irais pas jusqu’à faire tomber Aoki, mais au cas où je tendais mon bras pour qu’il puisse prendre appui dessus. Puis j’excusais le comportement de ma sale bestiole qui s’était mis à léchouiller la cuisse entre ses pattes.


« Pardonne Wave, il ne connaît pas vraiment les bonnes manières. »


J’étais gêné. Mais il n’y avait plus qu’à espérer que le jeune homme ne déteste pas les chiens.