« L’immoralité est un mythe inventé par les honnêtes gens pour expliquer la curieuse attirance qu’exercent les autres. »  

Une nouvelle école, de nouveaux camarades, un commencement … Non, une suite, celle de la descente aux enfers. J’enfilais mon nouvel uniforme avant de passer dans la salle de bain pour me coiffer et me maquiller. Je venais de m’installer dans ce nouvel appartement dont le loyer était déjà payé par mon éditeur. Ma seule mission : rédiger un article sur le dopage dans les lycées sportifs. En réalité, ce n’était pas ma seule motivation, la seconde étant de voir ce que mon frère a pu subir avant de mourir d’une overdose : la pression, la compétitivité, la méchanceté.

Je m’arrêtais devant le miroir sous le lavabo, ne me reconnaissant presque plus tout en affichant ce regard vide … Le bonheur était bien loin derrière moi. D’un geste vif, j’attrapais l’eyeliner pour me maquiller sur et sous les yeux. Aujourd’hui, c’était le premier jour alors certes mais je n’avais nullement l’intention de me familiariser avec les autres élèves que ce soit maintenant ou plus tard, ils n’avaient strictement aucune importance. Je voulais plaire, attirer l’œil mais à la fois rester inaccessible et distante. À première vue, on pourrait croire que je vends du rêve mais en réalité je peux devenir le pire cauchemar qu’il soit, caché là où on ne s’y attend pas. Un dernier coup de rouge à lèvre rose pale, je retournais dans le couloir où je pris mon sac et ma veste en cuir. Je commençais par un cours de sport mais étrangement je n’en fus pas surprise … Surement parce que j’étais dans une école sport.

Je lâchais un soupire avant de refermer la porte derrière moi où je ne pris même pas la peine de tourner la clé. Qu’avais-je à perdre ? Rien. Dans la rue, mes yeux se posèrent sur un couple avec un enfant. Ils semblaient heureux mais je savais que ce n’était qu’éphémère, à peine quelques instants plusieurs je surpris l’épouse mater un jeune ayant 10 ans moins qu’elle tandis que l’homme avait le dos tourné vers leur enfant. Un sourire ironique vint s’afficher sur mon visage mais il n’avait rien de chaleureux mais à l’inverse il reflétait le dégoût que j’éprouvais.

À peine 10 minutes plus tard, je franchis le portail de Rakuzan. D’un geste lent, je jetais la clope que je venais d’entamer au sol avant de l’éteindre définitivement avec la semelle de ma chaussure. Tout prend fin un jour. D’un pas nonchalant, j’allais retrouver le gymnase dans la cour. Je traversais un couloir qui menait à deux portes : l’une était adressée aux garçons et l’autre aux filles. Je poussais donc la lourde porte dédiée aux jeunes filles qui ouvrait directement sur les vestiaires. Rien que je n’avais déjà, tout n’était que découverte et pourtant c’est comme si rien n’avait changé … mon cœur me faisait toujours aussi mal … Sa présence me manque. L’odeur des vestiaires, les casiers et les bancs disposaient de la même façon que ceux dans l’école de mon frangin. Je m’assis un instant comme pour reprendre mes esprits car même si je n’affichais aucune expression, je me sentais fatiguée ou plutôt désespérée. D’ici, je pouvais entendre les sifflements du prof et les sons des voix s’entremêlant mais tout me semblait si loin alors que seuls quelques mètres nous séparaient, pour moi, c’était comme un fossé que je ne pouvais pas traverser. Et si je m’en allais ? Un court instant, le doute s’empara de moi mais ma fierté reprit rapidement le dessus. J’irai.

Rapidement, je me repris et je me dépêchais d’enfiler ma tenue de sport c’est-à-dire un short noire, des baskets noires avec un tee-shirt bleue pâle. Ayant les cheveux courts, je ne m’attachais pas les cheveux mais je prévus le coup au cas où avec un élastique autour de mon poignet. D’un pas plus déterminé que précédemment, je sortis la bouteille d’eau de mon sac puis je me contentais de refermer le casier sans pour autant le cadenasser. Apparemment, je n’étais pas la dernière car juste avant d’entrer dans le gymnase je remarquais une jeune fille qui se précipita dans les vestiaires pour se changer. Cependant, je restais en retard et ce dès le premier jour mais il en fallait plus pour me déstabiliser.

Sayé, j’ouvris la porte et me retrouvais face à une quinzaine de jeunes filles ayant environ mon âge. Le fait que ce soit un établissement spécialisé dans le basket expliqua le nombre peu élevé de filles et encore je fus surprise d’en voir autant car lors de la visite de l’école j’en avais croisé moins que ça en une matinée. Je jetais un rapide coup d’œil vers la gauche puis vers la droite. Tous les regards étaient désormais braqués sur moi mais aucun mot ne sortit de ma bouche non pas par timidité mais car je n’avais aucune envie de bavarder ou de me présenter. Le ton était donné.

Tandis que j’avançais dans la salle, je croisais le regard du seul homme présent dans la pièce : le prof de sport. Je ne pus m’empêcher de lâcher un sourire sarcastique, il était tellement facile de lire dans son petit jeu de séduction avec les minettes de la salle de sport que ça en devenait pathétique. Je me dirigeais donc vers lui, n’effaçant pas le  moins du monde mon sourire qui était perçu de plus en plus comme un signe de provocation. Quant à mes yeux, je ne détournais pas le regard et ne me gênais pas pour le regarder de bas en haut. Ce n’est qu’une fois à sa hauteur que j’attendis une quelconque réaction de sa part sur mon comportement. Tout se jouait dès les premières minutes.

« Ce qu'on appelle violence, ce n'est rien. La séduction est la véritable violence. »

Un pas, un regard, une histoire … Sans le savoir, un nouveau jeu allait bientôt commençait, jeu dans lequel j’aurai le rôle principal et pour cause, j’en étais l’auteur. Mes pas se faisaient lents, résonnant dans tout le gymnase, on pouvait même entendre l’écho face au silence qui régnait dans la pièce. J’attirai toute l’attention, croisant quelques regards interrogateurs sur mon passage, je me contentais de répondre par un sourire provocateur. Colère était le sentiment que je voulais leur transmettre et qu’elles ressentent à mon égard car je n’étais pas là pour me faire des amies. Quant au prof de sport, je ne le considérais même pas comme une proie potentielle vu son âge et la facilité avec laquelle son petit jeu de séduction était prévisible. Du moins, c’est ce que je pensais aux premiers abords mais il ne semblait pas être aussi ennuyant que ça.

« Nanami Kaetzu je présume ? Bien, venez prendre place parmi nous. » Me proposa-t-il d’une voix mielleuse.

Quel sens de la déduction, pensais-je mais il en fallait plus pour attirer mon attention. Après tout, jouer avec un pantin n’était pas drôle. Ce qui m’intéressait par-dessus tout était les défis. Séduire un mec pour briser son couple était mon domaine de prédilection car un célibataire n’avait aucun intérêt à moins qu’il soit très populaire et très demandé alors un prof, je n’avais strictement rien à en tirer mis à part le faire virer pour attouchements sur une élève mais bon, c’était mieux que rien. Sous cet angle, on pourrait même dire qu’en plus de détruire sa carrière, je pourrai anéantir ses futures histoires d’amour car personne ne voudrait d’un homme avec une telle réputation. Finalement, l’idée me plut et en à peine quelques secondes l’idée se transforma en projet : il sera ma prochaine victime.

Toujours debout, désormais face à lui, je le toisais de haut en bas, je ne me retins pas pour afficher un rictus d’amusement contrairement à lui qui se retenait apparemment.

« Aziel Helsinger. Je serai ton coach sportif en basket. J’ai pour habitude de faire malheureusement toujours passer des tests à mes nouveaux, alors à toi de faire tes preuves, jeune fille. » Me dit-il tout en me lançant le ballon.

Ballon que j’attrapai sans difficulté entre mes mains. Son regard ne se détourna pas du mien. À cet instant, c’était comme si les autres étudiantes n’existaient plus, il ne restait plus que lui et moi et cette ambiance tendue et ça elles l’avaient bien compris. Elles se fondaient dans le décor et étaient comparable à des fleurs en train de faner en plein soleil, manquant d’eau, l’eau ici étant Aziel. Mon entrée était finalement plus réussie que je le pensais, étant parvenue à la fois à les rendre jalouses et à trouver un nouveau jouet. Mon sourire narquois ne s’effaçait pas tandis que je lâchais un petit rire ironique face à la situation. Je n’avais pas tenue un ballon de basket depuis que mon frère était décédé. Cet objet rond me faisait ressentir un drôle de sensation … me rappelant les souvenirs que j’essayais d’enfuir au plus profond de mon cœur. La douleur revint, plus vive que jamais, comme si la blessure venait de s’ouvrir une nouvelle fois … Non, en réalité, elle n’a jamais cicatrisée. En temps normal, après s’être blessé, on met un pansement pour arrêter le saignement puis on le retire pour qu’à l’air libre la blessure se referme d’elle-même avec le temps. Or moi, je n’ai jamais retiré le pansement par peur d’exposer mes faiblesses. Ca faisait mal mais je ne laissais rien transparaître.

« Quelques échauffements, et… épate-moi, si tu y parviens. » Me défia-t-il.

À ces mots, mon sourire s’effaça de mon visage. Personne ne me connaissait ici mais en jetant un coup d’œil à mes camarades, je pus voir qu’elles avaient retrouvé leur sourire … Certainement pensaient-elle que j’allais me ridiculiser pour leur plus grand bonheur. Je n’aimais pas le basket mais je n’ai jamais dit ne pas être douée … Fermant les yeux un instant, je fis passer le ballon dans ma main droite tandis que ma main gauche vint replacer ma mèche.

« Nana, aujourd’hui on va inverser les rôles tu seras l’attaquante et moi la défense »

« Non ……. T’abuses ! Je n’arrive même pas à t’arrêter alors marquer … ! » Grommelais-je à Atzuo tout en traînant les pieds sur le terrain.

« Si tu veux devenir journaliste de basket, il faut que tu saches jouer un minimum sinon tu n’as aucune notion du jeu sur le terrain. Et honnêtement, tu es douée c’est juste que tu m’as moi comme adversaire donc tu ne peux que paraître nulle ! » Plaisanta-t-il en passant sa main dans mes cheveux.

Le jeu venait de commencer au coup de sifflet de mon frangin, je m’emparai du ballon. Je l’avais vu répéter ses pas un million de fois. Ma force : l’anticipation car même si mon niveau était inférieur, je l’ai vu s’entraîner depuis tout petit. Je savais ses faiblesses, son jeu, ses tactiques … Pourtant, je n’arrivais jamais à le battre mais cette fois-ci je me pris au jeu … Surement parce qu’il venait de me provoquer, mon envie de lui prouver le contraire était plus forte que tout. Etant dictée par ma fierté, je commençais à dribbler tout en courant en direction du panier. Juste une fois … Juste cette fois, je voulais marquer. Je pris de l’élan. Il était là, Atzuo, au milieu de terrain avec son sourire amusé de me voir si concentré. En y repensant, il a dû faire exprès de me laisser marquer car oui, je marquai. Je passai à sa droite puis sautai tout en tirant. Panier. Il ne fit rien pour me contrer mais ce jour-là, il m’avoua que mon plus grand avantage était mes tirs. J’étais trop petite pour la défense mais bien que ma taille ne changeait pas, en attaque, j’étais bien plus redoutable.

Située au milieu du terrain, je rouvris les yeux avant de regarder l’homme aux cheveux noirs. Nous étions les seuls debout, devais-je en déduire qu’il était mon adversaire ? De toute manière, quel que soit mon adversaire, j’aurai eu la même réaction. Il n’était pas lui et personne d’autre n’arriverait à me redonner l’envie de jouer. Un dernier regard vers l’entraîneur. Sans me presser, je commençais à dribbler. Je fis deux pas, je me tournai et tirai vers le panier. Sans difficulté ni surprise, en tout cas pour ma part, le ballon passa dans le cerceau métallique.

« Qui a dit que j’avais besoin de m’échauffer ou de vous épater? Je n’ai rien à prouver à personne ici. » Rétorquais-je d’une voix amer.

Le balle rebondit encore quelques instants avec de rouler vers les pieds d’Aziel Helsinger. Le silence s’en suivit mais je ne manquais pas de le briser en allant m’asseoir sur le banc de touche de ma propre initiative.

« Je préfère regarder et s’il faut être blessée pour ne pas jouer alors soit je serai blessée pour le prochain cours. Vous êtes le prof après tout, vous êtes celui qui élabore les règles, du moins, sur le terrain. » Ajoutais-je sur un ton provocateur.

Ma dernière remarque laissait sous-entendre bien entendu qu’il avait beau être le meneur dans le basket et dans le domaine du sport, il ne l’était pas pour autant dans la vie en général ou du moins, pas avec moi. Personne n’avait plus aucune autorité sur moi depuis des mois et ce n’était pas avec lui que cela allait changer. Je suivrai ses règles pour ne pas être renvoyée mais je trouverai toujours un moyen de faire ce que j’ai envie et c’est bien ce que je le fis comprendre lorsque je fis l’allusion au fait d’être blessé pour ne pas avoir besoin de jouer. Je ferai le nécessaire pour ne pas enfreindre ses règles mais je comptais bien faire ce que j’avais envie. Mes yeux d’un châtain clair vinrent croiser plusieurs regards étonnés de mon franc répondant dès mon arrivée. Le ton étant donné.

* Alors, Aziel, combien de temps comptes-tu tenir ? *