Je regarde je ne joue pas (PV Seyu)

Un terrain de basket tout à fait normal, banal. Un match amical est en cours. Dans un coin en dehors du terrain j'observe les joueurs de mes yeux bleus indifférents. En apparence seulement. Parce que après tout le basket est la seule chose capable de me faire oublier qu'il n'est plus là. Mon frère m'a abandonné il y a une année. Je me suis retrouvé avec mes parents que j'aime certes, mais comparé à lui... Il était tout pour moi. Mon confident, mon idole, mon joueur préféré, mon protecteur, tout vous dis-je. Et puis un jour il a décidé d'aller jouer aux USA. Il m'a abandonné et je ne lui ai pas encore pardonné. Mais je suis triste de ne pas avoir pu lui dire au revoir... On s'est quitté fâchés et je le regrette sincèrement. J'aurais aimé lui dire à quel point il compte pour moi. Mais maintenant c'est trop tard. Quelque chose me dit qu'il ne reviendra pas.

Je sors de mes pensées noires et me concentre sur le jeu en cours. Les mains dans les poches de mon jeans je ne paie pas de mine avec mes cheveux blonds en bataille, mes yeux bleu azur, ma peau pâle, mon expression sans émotions. Je porte un vieux T-shirt trop grand pour moi et des basket, non ce n'est pas pour faire un jeu de mot pourri. Quoi je suis mignon ? Mais... Mais non voyons... Vous allez me faire rougir et je suis censé ne pas avoir d'émotions... Enfin bon. Je remarque qu'un des joueurs joue mieux que les autres. Il est blond, grand ce qui bien sûr est un avantage certain dans ce sport, avec des yeux bruns. Je souris discrètement. Hein comment ça j'ai craqué ? Même pas vrai je suis juste... Je sais pas, parfois certains hommes me rassurent plus que d'autres. Mais ce n'est pas de l'amour. Je ne suis pas du genre à sortir avec des hommes... Même si je dois avouer que j'ai toujours été plus à l'aise avec les hommes. Mais ça veut rien dire hein ! Et puis je suis trop jeune pour sortir avec quelqu'un, homme ou femme. Je n'ai que quinze ans. Je retourne les yeux vers le match et mes yeux brillent. Ce sport est vraiment la seule chose capable de faire vibrer mon âme.

Le ballon tombe par terre et rebondit vers moi. Je le regarde et hésite. Est-ce que je peux le prendre et le renvoyer ? Je suis nul pour les passes... Pour tout en fait. Je suis meilleur quand il s'agit d'utiliser mon cerveau. J'hésite encore un peu avant de prendre la balle et de lever la tête vers les joueurs. J'hésite. Si je rate ils vont se moquer de moi. Je regarde finalement le blond et lui lance la balle. Avec maladresse certes, mais pour une fois elle atterrit là où je l'ai voulu. J'attends ensuite prêt à m'enfuir si on se moque de mon lancer pourri.

Je regarde je ne joue pas (PV Seyu) 790191tumblrm74w5n6qu21rni0w9o1500

Cela faisait désormais un important nombre d’années que moi, Seyu Ichiro, avais quitté Hawaï, mon île natale. L'île Paradisiaque. L'île Céleste. Tant d'appellations qui aurait pût faire rêver n'importe quel humain et pourtant, qui ne méritait même pas le moindre coup d'œil d'après moi. Gangster... Rien que ce mot suffisait à me dégoûter profondément depuis ma longue séquestration. Dire que j’en avais croisé beaucoup là-bas et qu’ils s’étaient avérés... Non, je préférais oublier cette époque douloureuse de mon histoire et me concentrer sur le présent afin de pouvoir vivre ma nouvelle vie à cent pour cent. Carpe Diem comme aurait dit la vieille. Anna s’était avérée être la seule personne qui avait montré ne serait-ce qu'un peu de générosité à mon égard, ne me traitant pas comme un objet, un morceau de viande ou un simple gamin. La seule femme que j’avais accepté de côtoyer et de qui je n’avais pas eu à me plaindre. Mais désormais, je n'étais plus en sa compagnie, et ce, depuis un bon moment. Seul, marchant à travers les rues de la ville où je me trouvais, j’admirais ce beau paysage. Quel plaisir d'avoir autre chose à contempler que des cocotiers. A Hawaï, tout était fait de sable, d’arbre et de plage. C'était les matériaux principaux de l'île. La mer était belle et transparente, les îles, les maisons et tant d'autres choses méritaient le détour. Et cela pouvait s'avérer plutôt lassant de toujours voir la même chose partout, blasant même. Par contre, je n'étais pas prêt de dire ça de l’endroit où je résidais. Tant de maisons, de places, de rues à perte de vue. Voilà qui promettait d’être un lieu intéressant. Il n’y a plus qu’à espérer que le Japon ne me déçoive pas.

Je marchais, suivant un chemin inconnu à mes yeux. Hier, j’avais réussi à me perdre dans les bois. Aujourd’hui, j’ignorais encore où j’allais finir, mais une chose était sûr, c’est que je n’irais pas faire la tournée des bars. Après tout, je n’avais pas l’âge ici, et bien que je le paraisse, j’étais encore assez loin de mes 21 ans. Tournant la tête sur la droite, j’aperçu une supérette bon marché. De là où je me trouvais, je pouvais facilement repérer un sac de marshmallows. Moi qui était fan de ce genre de sucreries, je n’hésitais pas plus longtemps et fonçais dans le bâtiment. A l’intérieur, quelques personnes, habitants sans doute dans le quartier faisaient paisiblement leurs courses et devait s’y trouver depuis un bon moment. La queue à la sortie était énorme, et bien que je n’avais qu’un seul paquet, j’allais devoir me la farcir. Quelle vie ! Mais bon, le dieu des bonbons était avec moi, si bien qu’un vieux devant moi, avec deux cadis me laissa passer devant lui. Je le remerciais avant de pencher la tête sur le côté et de regarder la jeune femme avant moi, un sourire aguicheur sur les lèvres. Celle-ci, rapidement mal à l’aise me céda sa place. Et de deux places de gagnées. Admirez mes chers. Plus qu’une personne à passer. Un mec du genre gigantesque avec cinq cannettes de boissons énergétique à la main. La casquette à l’envers pour compléter le portrait. Je soupirais, cherchant comment parvenir à mes fins. Puis, un éclair de génie traversant mon esprit, je regardais le caissier avant de lui sourire. Sur son insigne, on pouvait voir qu’il était inscrit à l’essai.

« Mon ami ! Ça fait bien longtemps que l’on ne s’est pas vu hein ! Comment tu vas depuis le temps ? N’est-ce pas ? Dire que la dernière fois que je t’ai vu, tu étais tellement bourré que tu as fait subir de terribles choses à Hercule, le chat de Nana-san. Tu ne t’en souviens pas ? Tu veux que je te le rappelle ? »

L’homme ne pipa mot. Il était partagé entre plusieurs possibilités. Sans doute avait-il peur de perdre sa place dans le magasin s’il réagissait à l’encontre d’un client. Les autres acheteurs semblaient déjà dégoutés par ce que je venais de dire et me croyaient sans se poser de question. Qu’ils étaient naïfs. Le type derrière la caisse balbutia quelques mots avant de tendre sa main vers le paquet tout en me regardant avec crainte. Il tenait peut-être à garder sa réputation. Il m’annonça le prix. Avec le sourire, je sortais mon portefeuille et le vidais de toutes les petites pièces qu’il contenait, toute la monnaie dont tout le monde galère à se débarrasser. Le caissier semblait sur le point d’exploser, mais il prit quand même l’argent et me laissa filer. En sortant, je regardais ma montre. J’avais mis seulement quatre minutes ! Record battu ! Je m’emparais du paquet de guimauves avant de l’ouvrir délicatement et d’en ressortir un bonbon. Je l’avalais goulument puis souriait en pensant à la tête qu’avait tirée le caissier. Le pauvre, il n’avait vraiment pas de chance d’être tombé sur moi. Une main m’attrapa l’épaule puis j’entendis un rire rauque, il s’agissait de l’homme que j’avais dépassé dans le magasin. Il me félicita de mon audace puis me proposa de le suivre, prétextant qu’il voulait me présenter à ses potes. Sans grande vigilance, je le suivais, pensant toujours au pauvre petit caissier. Puis, voyant que nous allions vers un terrain de basket, je ne pus m’empêcher de sourire encore plus. Quoi de mieux que jouer un peu pendant la journée ? Au milieu du terrain, on pouvait voir quatre mecs du même genre que celui qui m’avait amené ici, quoi qu’ils semblent bien moins impressionnants que le premier. Puis, dans mon dos, sans nulles difficultés, je repérais un jeune homme blond, bien plus petit et frêle que les autres. Il ne semblait pas faire partis de leur bande. Le type à la casquette me proposa un match amical avec des équipes de trois, ce que j’acceptais, ravi.

On ne tarda pas à commencer. Les deux basketteurs dans mon équipe étaient jumeaux et portait les mêmes fringues. Un était pas trop doué au niveau des paniers, mais s’en sortait plutôt bien en dribble, et pour l’autre, c’était tout à fait le contraire. C’était problématique de ne pas pouvoir les reconnaitre. Et je ne voulais pas avoir à les surveiller toute la partie pour savoir si je lançais la balle au bon. Je pris donc discrètement l’étiquette collector de mon paquet de bonbons et la collait sur le joueur au panier. Je savais que je regretterais mon geste tôt ou tard, car c’était la seule que je n’avais pas chez moi, mais bon, je basket passe avant tout ! C’était nickel, on pouvait commencer. Pour l’entre deux, le sans étiquette se proposa de la faire. Je lui laissais la place au centre du terrain afin de me déporter sur le côté droit, non loin de l’inconnu sur le banc. Le match commença. Les dribbles et les passes s’enchainèrent un moment, jusqu’à ce que j’intercepte une passe ennemie. Le géant de la supérette écarquilla les yeux, se demandant s’il n’aurait pas mieux fait de demander de jouer au blondinet à côté du terrain. Je dribblais paisiblement et n’eut pas besoin de la moindre aide pour passer le type. Je continuais dans ma lancée, en évitant un autre. Il n’en restait qu’un seul, et j’étais trop prêt pour pouvoir faire un trois points. En sachant que le type était plus grand que moi, je ne voulais pas tenter le diable et tirer. Je n’avais donc plus que deux options, soit passer au type étiqueté, soit dunker. Je décidai de tenter de dunker, bien que je ne sois pas pro dans le domaine. Je sautais, le défenseur fit de même, mais malheureusement pour lui, je fis un demi-tour dans les airs et fit la passe au mec à l’étiquette. Avant que l’adversaire n’ait eu le temps de descendre, le ballon était en direction du panier. Le premier point était pour nous. On continua ainsi un moment. Nos rivaux parvinrent à mettre quelques paniers, mais nous menions de beaucoup. On arrêta deux fois, la première partie du match était déjà passée. Les joueurs se posèrent sur les bancs un moment, et j’en profitais pour aller boire à la fontaine la plus proche. Pendant ce temps, bien que je ne sois pas loin, les cinq autres s’étaient réunis et commençaient à parler de moi. Ils avaient donc deux spectateurs : d’un côté, le petit blond aux yeux bleus, de l’autre moi, faisant mine de ne rien entendre, amusé.

« Il est pas un peu bizarre quand même ? »
« Ouais j't'avouerais que je le trouve étrange moi aussi »
« Vous croyez que c'est une célébrité, il a une paire de Ray-ban... En plus, il est doué au basket »
« Tu lis trop Ikari, c'est juste un mec étrange avec une écharpe bleu et un style vestimentaire assez douteux »
« ... Vous me rappelez pourquoi on l'a laissé jouer avec nous ? »
« Alors ça j'saurais pas dire »
« J'crois que c'est le capitaine qui lui a demandé, il voulait un joueur supplémentaire »
« Ouais, j'saurais pas dire »
« C'est normal le boxer qui sort autant du jeans ? »
« Moi, j'pense que c'est normal et que ce doit être une salope... »

Oula, ils y allaient fort cela. Une salope ? Moi ? Jamais voyons, jamais ! Je suis l’innocence même, la pureté incarnée. Bon, faut avouer qu’il n’y a pas grand monde qui pense comme moi, mais bon, je m’en fiche. Je venais donc, souriant, comme si de rien n’était et j’administrais une forte tape au meneur de la bande, histoire que l’on recommence à jouer. Le match recommença donc. Les dribbles, les passes et les paniers recommencèrent à s’enchaîner. Puis lors d’une mauvaise interception, le ballon fut perdu et roula jusqu’au banc où était assis l’inconnu blond. Celui-ci sembla surpris un moment. Le jeune homme sembla hésiter un moment, les yeux rivés sur la balle. Les autres joueurs commencèrent à s’impatienter, ils le huèrent donc pour passer le temps. Moi, je restais silencieux, observant. J’eus l’impression que ce moment dura une éternité, mais le garçon finit par me passer le ballon, je lui fis un clin d’œil et dribblait jusqu’au panier avant de marquer un trois points. Mais les autres n’avaient pas suivis, ils avaient trouvés plus intéressant de martyriser une personne plus petite qu’eux que de perdre au basket. Dommage. Le chef des six s’avança et se mit à le taquiner.

« Dis-moi, pourquoi tu restes près de ce terrain alors que tu n’es même pas capable de faire une passe rapide et correcte ? C’en est désespérant ! Tu penses sérieusement que cela te serviras à quelque chose ? Bien sûr que non, tu es mauvais, et tu le resteras. Les gens faibles n’ont rien à faire près d’un terrain de basket ! Si je te revois là, tu comprendras peut-être comment un ballon atterri dans un panier. Mais le truc, c’est que c’est toi qui serviras de ballon ! Ahaha. »
« Huhuhuhuhu. Si je puis me permettre, ce garçon n’est pas mauvais. D’ailleurs merci pour la passe tout à l’heure ! Plus sérieusement, tu ne penses tout de même pas que tu joues mieux que lui ? Parce que si tu en es sûr, sache que ce n’est pas le cas. Tu n’es qu’un simple amateur, tout comme tes copains. Contre une équipe de lycéens, vous ne feriez même pas le poids. Alors arrête de t’en prendre à plus faible que toi, cela a pour effet de me mettre hors de moi. Et je pense que ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas ? »

Ce rire étrange, je ne l’employais pas souvent. Simplement dans les situations qui m’exaspérait. Le ballon dans les mains, je feintais avant de le lancer en plein dans la tronche du pauvre type, les quatre autres vinrent soutenir leur patron pour éviter qu’il ne s’écrase au sol lamentablement. Deux des joueurs s'approchèrent de moi, comme pour venir le venger, mais leur chef leur ordonna de le ramener chez lui, en ajoutant que je regretterais tôt ou tard mon geste, et que les faibles n'avait rien à faire ici. Je les regardais partir, le ballon toujours dans mes mains bien que ce ne soit pas le mien. Puis une fois qu'ils furent hors de vue, je tendis ma main vers le blondinet pour le saluer, puis je me présentais.

"Ravis de te rencontrer, moi c'est Seyu Ichiro, mais tu peux m'appeler Ichi, comme tu veux. Je n'apprécie pas non plus les nuls, mais quelque chose me dit que tu as du potentiel. Je préfère jouer avec un jeune qui commence, plutôt qu'avec une bande d'attardés,qui prétendrait le contraire ?"

Souriant, j'attendis de voir sa réaction. Aucune méchanceté dans ma phrase, cela n'était point banal. Mais bon, ce type était étrange, bien qu'il soit petit, il ne semblait pas si nul que ça. Mais bon, seul le temps lui donnerait raison, ou non.

Alors que j'avais encore la balle en main je vis bien que les joueurs, enfin tous sauf un, s'impatientaient. Mais ce n'était pas eux qui avaient un objet maudit entre les mains ! Parce que oui même si j'aimais le basket ce sport me faisait souffrir. A cause du fait que c'était à cause de lui que mon frère m'avait abandonné... S'il n'avait pas joué au basket il n'aurait jamais été pris dans une école américaine et ne m'aurait pas laissé. Du coup j'en voulais au sport lui-même. C'était stupide, gamin et égoïste, mais je n'y pouvais rien. Et puis cela ne m'empêchait pas de toujours regarder les matchs et d'y prendre un peu de plaisir...

Une fois que j'eus lancé la balle le blond qui me fit un clin d'oeil et marqua un panier impressionnant. Mais je n'eus pas vraiment le loisir de l'admirer car ses "amis" se moquèrent de moi. Mes mains se mirent à trembler et je serrais les dents. Surtout ne pas pleurer. Ce serait encore pire. Ce n'était pas ma faute si je ne savais pas jouer... Si j'étais mauvais... C'était facile pour eux ! Ils étaient grands et forts ! Moi j'étais petit et maigrichon ! Essayez un peu de jouer au basket avec mon physique au lieu de vous moquer ! Vous verrez c'est beaucoup plus difficile ! Et puis je ne voyais pas pourquoi je n'aurais pas le droit de rester pour regarder... Je ne faisais rien de mal après tout. J'ouvris la bouche pour me défendre, mais bizarrement aucun son n'en sortit. Je fus incapable de dire quoi que ce soit.

Je m'apprêtais à voir ce type s'approcher et me faire du mal, mais il n'en eut pas le temps. Le blond prit ma défense. Surpris j'inclinai la tête quand il me remercia pour la passe afin de lui dire que ce n'était rien. J'avais eu de la chance d'y arriver. Mais j'étais sacrément surpris qu'un inconnu prenne la peine de me défendre. C'était... gentil. Mon coeur se serra un instant car cela me rappela mon grand-frère qui m'aurait sans doute défendu de la même façon. J'eus du mal à ne pas éclater de rire quand la brute se prit le ballon en pleine face. Je lançai un regard reconnaissant à mon sauveur un sourire au coin de mes lèvres. Les méchants finirent par partir et je me retrouvais seul avec lui. Il me tendit la main en gardant le ballon et se présentant. Je souris sincèrement et la lui serrai en me présentant à mon tour.

- Enchanté également. Je m'appelle Akira Sasaki. Je... Je n'en suis pas si sûr. A vrai dire je suis plutôt nul... Mon frère a essayé de m'apprendre, mais il a vite abandonné. Enfin je peux toujours essayer...

J'hésitai avant de prendre le ballon et de faire face au panier. Je pris une inspiration, fermai les yeux et me rappelai les paroles de mon frère. Le plus important au basket c'est l'instinct Akira, ne l'oublie jamais.

L'instinct hein... Je rouvris les yeux et tirai. Le temps sembla ralentir voir s'arrêter. Je ne quittai pas des yeux le ballon le coeur battant la chamade. On aurait pu se croire en plein match décisif tellement j'étais tendu... Je n'en crus pas mes yeux le ballon rentra sans problème. Je clignai des paupières. J'avais réussi une passe et un tir de suite. Il y avait forcément un truc. Soit j'étais très chanceux aujourd'hui soit... Quelque chose avait changé depuis mon dernier essai. Il y avait bien le départ de mon frère... Mais comment cela aurait-il pu influencer mon jeu ? Mystère. Je haussai les épaules et ramassai le ballon avant de le donner à Seyu avec un sourire crispé.

- Un coup de chance sans doute... A ton tour.

Jouer aux héros, c’était quelques choses que je ne faisais pas souvent. Bien que chasser les méchants puissent s’avérer être amusant. Habituellement, c’était plutôt moi le premier à sauter sur les proies faciles. Mais bon, il faut croire qu’aujourd’hui je n’étais pas d’humeur. Après avoir habilement lancé le ballon dans la tête du mec, je ne pus m’empêcher de ricaner sombrement. Même pas capable d’arrêter une balle. Décidément, cet homme croisé à la supérette était plus un fardeau qu’autre chose. Autant s’en débarrasser tout de suite. Quant aux menaces... Mais pourquoi m’en faire ? Cela ne servirait à rien dans ma nouvelle vie. Ce serait juste totalement inutile de me faire du mauvais sang pour une personne dans ce genre qui ne tient pas ses paroles.

« Enchanté également. Je m'appelle Akira Sasaki. Je... Je n'en suis pas si sûr. A vrai dire je suis plutôt nul... Mon frère a essayé de m'apprendre, mais il a vite abandonné. Enfin je peux toujours essayer… »

Je lui tendis le ballon tout en souriant. Décidément, ce blondinet n’avait pas du tout confiance en lui. Et malheureusement, le basket-ball s’avérait devenir un sport où on avait besoin d’un mental d’acier pour réussir. Contre cette génération des miracles, le talent ne suffisait pas. Il ne fallait pas abandonner une seule seconde et rester fixé sur son objectif. Bien que je n’ai jamais joué un seul match contre eux, j’avais eu loisir d’observer Aomine jouer une fois depuis mon arrivée. Et il faut dire que j’avais tout de suite été impressionné et que j’avais rapidement accroché à son jeu sauvage et implacable. Dans ce domaine, il fallait tout simplement chopper son rythme, et ne plus le lâcher. Akira ne tarda à prendre le ballon, semblant décidé. Il s’avança un peu vers le panier, puis tira. Il était tellement concentré qu’à mon avis, il ne voyait plus vraiment ce qui l’entourait. Seulement son ballon, et c’était amplement suffisant. Après quelques secondes en l’air, le ballon rentra dans le panier sans toucher le rebord. J’applaudis, content de le voir réussir. Je le vis ensuite ramasser le ballon, puis me le rendre, souriant, mais tout de même un peu tendu.

« Un coup de chance sans doute... A ton tour. »

Quoi ? Alors ça, je ne m’y attendais vraiment pas. Qu’est-ce qu’il voulait que je fasse ? D’accord, j’avais un peu de talent sur un terrain, mais ça s’arrêtait là. J’avais appris à jouer seul sur un terrain, me servant de ce que j’avais autour de moi. Pendant 8 ans, je n’avais fait que ça, plus de la gym, enfermé dans un complex sportif. Et aujourd’hui, on me disait à ton tour. Avant de commencer à jouer, j’avais laissé ma sacoche contenant mon argent et quelques bibelots au bord du terrain. Tout en dribblant, je pris la direction de celle-ci. Puis, après l’avoir ouvert, j’en sortis un mp3 plus une mini-paire d’enceintes. J’allumais le mp3, et continuais à dribbler dans l’attente de la musique. C’était marrant de jouer en fonction du rythme, c’est comme ça que j’avais trouvé le mien après tout. La musique démarra pendant que j’approchais du panier en dribblant, puis, je lançais le ballon au sol avec force. Celui-ci se retrouva propulser en l’air, je n’eus plus qu’à sauter, à l’attraper au vol, et enfin, à dunker. Après avoir marqué ce panier contre un ennemi imaginaire, je ne pouvais m’empêcher de sourire. J’avais oublié pendant toutes ses années à quel point j’aimais le basket.

« Le basket-ball, c’est tout d’abord du travail et de la détermination, ainsi qu’une sorte… d’instinct, que je vois pas trop comment décrire. Si tu t’entraines, je pense que tu y arriveras. »

Surpris je me tournai vers Seyu qui m'applaudissait. Je rougis un peu intimidé. Que voulez-vous malgré les apparences je suis un grand timide. Enfin surtout avec les filles je suis plus à l'aise avec les mecs... Allez savoir pourquoi. L'autre blond prit le ballon que je lui tendais et commença à dribbler. Je le regardai avec envie lui au moins savait jouer. Quoi j'ai réussi une passe et un tir ? Oui je sais et alors ? Vous croyez que ça suffit pour dire que je sais jouer ? Ha ha elle est bonne celle-là. Non je ne sais pas jouer, point. Quoi comment ça je m'entête ? Je ne m'entête pas je dis juste la vérité... Je ne suis pas capable de jouer. Je suis un nain. C'est pas un critère ? Non mais oh ! C'est moi qui raconte là et pas vous ! Je vous jure. Revenons à notre basket.

Je regardai Seyu dribbler et s'approcher d'un sac qui lui appartenait sans doute. Il en sortit un mp3 et une mini-paire d'enceintes. Je le regardai continuer à dribbler tout en mettant de la musique. Je souris j'aimais bien cette musique. Je voulus fermer les yeux pour mieux profiter du son, mais je n'eus pas le temps de le faire. Ma nouvelle connaissance s'approcha du panier en dribblant et lança le ballon contre le sol. Je clignai des yeux surpris. La balle rebondit dans les airs et se retrouva dans le panier après un magnifique saut et... euh... drunk je crois de la part de Seyu. Admiratif je ne pus m'empêcher d'applaudir à mon tour. Je m'approchai en souriant et me permis de lui tapoter le bras en signe de félicitation. Je retirai ensuite ma main gêné de me l'être permis. Je souris ensuite, mais d'une façon un peu triste.

- Mon frère... me disait souvent la même chose à propos de l'entraînement et de l'instinct.

Une nouvelle fois la culpabilité m'envahit. Je m'en voulais d'avoir laissé mon frère partir sans m'être excusé ou lui avoir dit au revoir. Maintenant il ne reviendrait peut-être jamais. Oh bien sûr je pouvais très bien lui téléphoner ou lui envoyer un email, mais la culpabilité m'en empêchait. C'était une des raisons pour laquelle je rentrais souvent très tard à la maison. Je ne voulais pas entendre mes parents me reprocher de ne pas lui parler ou quelque chose dans ce genre-là.

J'attrapai la balle et essayai de dribbler concentré. Je devais me changer les idées ou j'allais me mettre à pleurer comme un bébé. Si je sentais les larmes venir il faudrait que je parte rapidement. Je ne supportais pas qu'on me voit pleurer et je ne voulais pas que mon nouvel ami me voit... Ce serait trop la honte. Mais en même temps je ne voulais pas partir. Compliqué hein ?

La vie est compliquée vous savez. Je grimaçai quand la balle m'échappa et roula plus loin. Je soupirai et rejoignis un banc pour me laisser tomber dessus. Ma gorge était desséchée et je mourrais de soif. Malheureusement je n'avais rien sur moi et je n'avais pas non plus d'argent. Le distributeur de boissons non loin de là était beaucoup trop tentant. La pensée de le forcer à me donner une canette me traversa et je tressaillis. Non je n'allais pas devenir un délinquant c'était hors de question.

Toujours proche du panier, je le fixai, optimiste pour ce qui est de mon futur dans cette ville. C'était une des premières fois où je me sentais à ma place, et ce depuis une semaine. Il y avait aussi le gymnase de mon lycée qui était un lieu où je pouvais me laisser aller. Mais bon, il fallait que je reste sérieux là-bas si je tenais à intégrer l'équipe en tant que titulaire et non comme mascotte, bouffon ou je ne sais quoi d'autre. Grâce à ce jeune blondinet, j'avais remis la main sur mon objectif, et je n'étais pas prêt de le lâcher. Ces applaudissements m'allèrent droit au cœur, et je stoppais le mp3, avec la zapette que j'avais pris soin de mettre dans ma poche avant. C'était cool tout de même de jouer en musique. Même si cela déconcentrait certains, ça me plaisais bien. Quand Akira vint me tapoter le bras, je fus étonné qu'il ne se méfie pas de moi. J'avais beau l'avoir aidé face à ces brutes, je n'étais pas quelqu'un de très net. Mais certes, cela me fit plaisir. Étant donné que je n'avais pas encore d'amis ici, la possibilité de m'en faire un qui aimait le basket autant que moi me réjouissais d'avance. Ce moment amical ne dura pas bien longtemps. Akira recula, tout en souriant, l'air plutôt nostalgique.

«Mon frère... me disait souvent la même chose à propos de l'entraînement et de l'instinct.»
«J'aurais bien aimé le rencontrer, je ne croise pas tous les jours des personnes ayant la même opinion que moi à propos de ce sujet.»

Perdu dans ses pensées, Akira avait les yeux emplis de regrets. C'était étrange tout de même qu'à chaque fois que je rencontre quelqu'un, il semble triste ou désespéré. J'allais vraiment finir par m'en vouloir un de ces jours. De plus, je n'avais vraiment pas la bonne technique pour rassurer les gens, ou les consoler. J'étais bien meilleur quand il s'agissait de faire le contraire.

«Je suis sûr que ton frère doit être quelqu'un d'aussi bien que toi. Mais bon, il m'arrive d'avoir tord donc je ne t'oblige pas à faire attention à ce que je viens de dire. Sinon, il ne me semble pas t'avoir vu dans mon établissement. Tu fais partis de quel lycée?»

Akira, attrapa le [ballon et se mit à dribbler, toujours aussi pensif qu'avant. J'ignorais ce qui tracassais le blond, mais une chose et sûr, c'est qu'il semblait sûr le point de pleurer. Cela m'intriguais. Dans ma vie, je n'avais jamais beaucoup chialé, préférant retenir mes larmes, par question de fierté. Mais des fois, il était bon de tout laisser sortir, de se laver de sa tristesse, de sa rancœur, de tout ce qu'on conservait en secret au fond de soi. Bien sûr, je ne suis pas le genre d'homme qui ira l'encourager à pleurer et à se confier. Mais je ne vais quand même pas lui dire de faire comme moi et de tout garder enfermé dans un tiroir dans son esprit. Ce serait bête qu'il finisse hanté par ses démons lui aussi. Dans un moment d’inattention, l'adolescent laissa tomber la balle. Je la pris, puis, fatigué, me dirigea vers mon sac, puis la posa à côté. C'était bien que ces brutes l'ait oublié, ça me faisais un truc en moins à acheter! Ayant de nouveau soif, j'aperçus la machine à boissons placé à côté du terrain. Les marshmallows m'avaient cruellement asséchés le gosier. Mais je ne pouvais leur en vouloir, ils étaient tellement.. délicieux?

Je fis quelques pas vers l'engin, jusqu'à pouvoir enfin toucher la fine couche de verre qui me séparait de ma future collation. Akira aussi semblait déshydraté, rien qu'à en juger par sa respiration haletante. Au moins, je ne ferais pas ça rien que pour moi. J'avais beau bien savoir faire la crapule, je ne volais qu'en cas d’extrême nécessite. Et là, c'était le cas car la petite monnaie n'était pas acceptée alors que je n'avais que ça sur moi. C'était bien ma veine... Je courus prendre mon sac, puis revins devant le distributeur. Dans celui-ci, il y avait tellement de chose inutile que je me rappelais tout le temps rien qu'en l'ouvrant pourquoi il était aussi lourd. J'en sortis un tourne-vis et commençais mon travail. J'avais appris à faire ça pendant mes années de séquestration. Bien que ce ne soit pas impressionnant, démonter des choses telles qu'un distributeur faisait maintenant partis de mes capacités. D'ailleurs, celui-ci s'avérait hors service, étant cassé. Une main se posa dans mon dos pendant que j'étais toujours absorbé par ma tâche, je me tournais prudemment, avant de voir qu'il s'agissait d'un homme déguisé en machine à boisson. Costume pour dire, assez effrayant. Il se présenta comme le propriétaire du tas de fer endommagé et se mit à crier scandale en agitant les bras en tout sens. Moi, je continuais mon boulot, faisant la sourde oreille. Quelques secondes après, quand tout fut dévissé, je pris un malin plaisir à mettre la main dans l'appareil sous le regard du propriétaire, furieux. Puis, je me rendis compte que quelque chose bloquait l'arrivé des vivres. C'était assez embêtant en ce qui concernait mon plan... Je l'agrippais avec force, décidé à débloqué l'entrée, puis sortit de la boîte magique un lapin qui s'était coincé dedans.

Le type me lâcha, ému, et se mit à me câliner, me remerciant d'avoir retrouvé son PanPan qu'il avait perdu lors de sa tournée de récupération de l'argent dans ses machines, il y a deux jours. Comme récompense, il me proposa de choisir parmi tout ce qui se trouvait dans le distributeur deux éléments qu'il me laisserait gratuitement en gage de gratitude. Fier de moi, je fis un geste vers Akira, lui montrant l'intérieur pour qu'il choisisse ce qu'il voulait. Moi, je pris un Ice Tea, puis je fis signe à mon nouvel ami de s'approcher pour se servir. Je promis au mec de refermer la machine tout seul, et celui-ci s'en alla en sautillant, le lapin dans ses bras. Bizarre ce type, il devait bien avoir la quarantaine et ne pouvait se séparer d'un doudou. Au moins, je n'avais pas eu à voler pour avoir mon rafraîchissement gratuit! Et ça, c'était plutôt cool. Il ne restait plus qu'à laisser choisir le blond avant de tout revisser.

« Vas-y, prend ce qui te plaît. A moins que t’ai pas soif. Mais ça fais toujours du bien après un entraînement!»

Lançant un clin d’œil à Akira, j'attendis qu'il réponde, espérant qu'il ne m'en veuille pas trop d'avoir agit de façon plutôt insouciante.