Une table dans un appartement vide, une lettre sur la table, la lumière éteinte. La pluie battante sur les fenêtres. Je passe la porte ouverte. Pourquoi est-elle ouverte ? Elle ferme toujours à clé quand elle n’est pas là et il n’y a personne. Pourtant je lui avais dit que je passais aujourd’hui, je ne comprends pas. Je regarde si elle n’aurait pas laissé un mot pour moi mais il n’y a rien, juste cette lettre pliée en trois sur la table. Je m’approche de la table. La lettre n’a pas de nom mais je la prends quand même. Je la connais elle ne s’offusquera pas trop pour ça. Dommage d’ailleurs, des fois j’aimerais bien savoir ce qui est capable de l’énerver.
Je la déplie, mon nom est dans l’intitulé. Donc c’est bien pour moi. Pourquoi toute cette mise en scène ? Je veux dire, elle vient me voir tous les jours au collège alors pourquoi me laisser exprès une lettre dans son appart ? Je ne comprends vraiment pas.
Je commence à lire sa lettre mais arrivé à la moitié je prends un visage catastrophé avant de partir en courant, la lettre à la main sans même prendre la peine de fermer la porte. Je cours sous la pluie battante sans même penser à me protéger de l’eau que je sens sur mon visage, mon visage. D’habitude si froid, il est rempli d’une expression de peur que j’ai l’impression d’exsuder par tous les pores de ma peau. Je suis surpris, mort de trouille, en colère, confus. Je ne sais même pas ce que je ressens. Je cours à perdre haleine jusqu’au collège où j’escalade la grille avant de me précipiter vers la salle du club. Je sais que je la trouverais là, elle ne peut pas partir sans emporter ou effacer toutes ses photos.
J’ouvre la porte brusquement, je suis trempé jusqu’aux os et j’ai le souffle court mais lorsqu’elle se retourne vers moi son visage n’est pas surpris ou quoi que ce soit d’autre. Son visage que j’ai toujours vu souriant et affable est tordu dans une grimace froide et malveillante.
Elle se met à ricaner, à se moquer de moi. Elle me jette sa trahison à la figure et je sais qu’elle le fait parce que ça fait mal. Je le sais parce qu’à cause d’elle je pense comme ça aussi. Elle me regarde de son regard hautain et méprisant alors que je sens des larmes amères me bruler les yeux et se mêler aux gouttes de pluie qui tombent de mes cheveux. Je suis pathétique, je le sais et elle le dit.
Je n’ai pas envie de croire ce qu’elle me dit. Je ne veux pas penser qu’elle s’est jouée de moi comme d’un enfant et pourtant c’est le cas. Elle m’a baisé, littéralement comme au figuré. J’ai cru que je l’aimais alors qu’elle n’a fait que me manipuler. Je pensais qu’elle s’intéressait à moi alors qu’elle ne faisait que jouer avec moi et ce que je pensais éprouver. C’est trop tard pour mon cœur maintenant, son nouveau jouet l’a lassé, alors elle fait comme tous les enfants capricieux, elle le casse pour être sure que personne d’autre ne jouera avec.
Elle était la seule à qui je disais ce que je pensais, elle était la seule que je laissais regarder derrière mon masque. J’ai vu ce que ça m’avait couté, je ne ferais plus jamais confiance à personne, je ne laisserais jamais personne avoir confiance en moi.